•    Billet d'humeur

    Hier, alors que je discutais avec un de mes amis de mon goût prononcé pour ce qu'on appelle actuellement « la culture geek », celui-ci me lança cette réplique sans appel : « Oui, c'est bien joli mais ça ne vaut pas la vraie culture ! ». Et je dois bien avouer que depuis, cette phrase me hante.

     Sur le moment, j'ai répondu que tout ceci n'était qu'une affaire d'appréciation. Mais n'avait-il pas soulevé ici un problème intéressant ? Finalement il venait de se faire le porte-parole de l'opposition qui déchire les politiques culturelles depuis Malraux dans les années 1950-1960. Une opposition entre ce qui serait de la vraie culture et la culture populaire. L'une étant naturellement meilleures que l'autre qui n'est vouée qu'à engranger de l'argent.

     Grand naïf que je suis, j'avais imaginé que notre époque avait transformé cette question. Ce serait malhonnête de ma part de dire que j'étais convaincu qu'elle l'avait réglée. La démocratisation culturelle, qui consiste à aider tout les publics à être à égaux à l'accès des « œuvres de l'esprit », est un échec. C'est incontestable. Sortez de chez vous et demandez à votre voisin si il connait Pina Bausch, Wajdi Mouawad ou Patricia Petitbon. Buren, il connaîtra les colonnes et, si il est parisien, vous dira : soit qu'elles gâchent la cour du Palais Royal, soit que ses enfants adorent monter dessus. Et quand vous lui expliquerez qui sont ces personnes, peut-être vous rira-t-il au nez ? Peut être vous dira-t-il que tout ceci n'est pas pour lui. Que lui, il préfère aller à la FNAC acheter le dernier blockbuster américain et se bouquiner un bon polar couché dans son lit. Et alors ?

     Je pensais vraiment que nous étions dans une période où on ne parlait plus de LA culture mais DES cultures. Que les deux mondes pouvaient coexister et se nourrir l'un de l'autre. Mais que penser quand pendant une année avec des professionnels on entends parler de « non-public » pour désigner ceux qui ne viennent pas dans les salles subventionnées ? Alors oui, l'intimidation culturelle est une réalité. Mais presque trente ans après la création des médiateurs culturels, rien n'a bougé. Pourquoi ? Pourquoi toute une frange de la population continue de penser que ce qui se passe entre les murs d'un théâtre, d'une galerie d'art, ou d'un opéra ne les concerne pas ? Quel biais est utilisé pour tenter de les motiver ? Une baisse des prix : ça ne fait qu'encourager le public déjà acquis à se rendre encore plus dans ces lieux.

      Pourquoi la majorité de la population « consomme » la culture populaire ? Parce que comme son nom l'indique, elle lui parle. Elle utilise des codes que tout le monde peut saisir immédiatement. Et la clé de tout cela est certainement là, il faut que le public se sente concerné. Pourquoi quelqu'un comme Hamid Ben Mahi, chorégraphe de Hip Hop de la banlieue bordelaise, réussit à toucher un plus grand nombre que les autres ? Le Hip Hop lui facilite certainement la tâche puisque c'est une danse populaire au départ. Et surtout il aborde des sujets qui touchent les banlieues frontalement. Et ça marche, on a de l'excellence artistique accessible au plus grand nombre. Les exemples sont nombreux.

     Et quand bien même, pourquoi une œuvre « populaire » ne serait-elle pas aussi de qualité ? Tout les lecteurs et spectateurs de l'œuvre de Tolkien, Le Seigneur Des Anneaux, s'accordent à dire qu'au delà d'une simple histoire d'Heroic Fantasy, il y a plein de choses qui s'y jouent. J'ai entendu plusieurs fois des professeurs de littérature me dire que ce qui faisait d'un livre une grande oeuvre, c'était que la forme cachait un fond. Serait-ce un hasard si le premier tome a été publié par Tolkien après guerre et raconte comment Sauron, avide de pouvoir, cherchait à dominer le monde connu ? Je dis cela, je ne dis rien. Et cette opposition culture légitime / culture populaire me fait doucement rire car rappellons que des auteurs de théâtre comme Labiche et Feydeau, ou des compositeurs comme Offenbach ont été longtemps méprisés avant d'être adorés de toutes les compagnies subventionnées dès lors qu'ils sont tombés dans le domaine public.

      Cette longue introduction pour vous dire qu'ici, je ne ferais pas de distinction. Tout ce qui passera sous ma main sera mis au même niveau : culture légitime et culture populaire. Car si on ne peut pas le faire dans la vraie vie, le net sert au moins à rêver à de jours meilleurs.


     

     

     


    2 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique