• Saints Row fait partie de ces séries nées pour concurrencer un concept rouleau-compresseur. À une époque pas si lointaine où Grand Theft Auto se faisait unique jeu d'action offrant un terrain de jeu ouvert, le studio Volition se lance dans un pari que beaucoup trouvèrent particulièrement audacieux. Renverser le roi GTA et lui ravir sa couronne. Le projet tenait bien la route. Volition offrait beaucoup et THQ jouait admirablement ses cartes. Sorti en 2006 sur Xbox 360 (uniquement, la version PS3 ayant été annulée), il succède à un GTA - San Andreas sorti un an plus tôt dont il surpasse sans panache les performances techniques et précède un certain GTA 4. Techniquement abouti, mais manquant de profondeur, son ton irrévérencieux trouva écho auprès du public, un public néanmoins acquis à sa cause du fait de l'absence de concurrence immédiate. Fort de ce succès relatif, une suite verrait le jour.

    Saints Row 2 se devait d'enfoncer le clou deux ans plus tard. Volition laissa tomber le côté technique et livra un jeu au graphisme sans éclat, mais d'une profondeur intéressante et aux activités annexes nombreuses et variées. Le politiquement incorrect fit son nid dans la série et le fun se devait rempart face au réalisme austère de son concurrent. Sorti moins de deux mois avant GTA 4, Saints Row 2 entra en duel frontal avec la légende. La victoire du champion en titre est alors incontestable et le challenger ne fait que ramasser les miettes, obligeant ses créateurs a revoir leur copie.

    Combattre GTA sur son propre terrain relevant de la gageure, Saints Row, the Third se devait de s'éloigner de ce cap économiquement dangereux. Le fun et le politiquement incorrect ont fait le succès de la série ? Qu'à cela ne tienne, ils seront les cellules-souches de sa renaissance.

    Un problème se pose néanmoins. Peut-on créer quoique ce soit de cohérent en posant comme base des concepts aussi nébuleux ? Après tout, le fun, et par extension le divertissement, n'est-il pas le but à atteindre par n'importe quel jeu ? Restait donc le politiquement incorrect comme base de production. Une base bancale qui n'a jamais porté les jeux qui l'ont choisie, que ce soit Manhunt ou Postal par exemple. Inutile de dire qu'elle a également plombé leurs suites encore plus dispensables.

    Saints Row, the Third échappe cependant à cette règle funeste par l'entremise d'un postulat simple et pourtant diablement efficace. Une totale absence de sérieux et une démesure surclassant tous les délires cinématographiques de Michael Bay et Roland Emmerich réunis. La première mission est en elle-même une merveille d'invraisemblance, qu'il s'agisse du braquage de banque aussi loufoque que débridé, que de l'évasion d'un avion cargo en plein ciel avec pour toile de fond votre nouveau terrain de jeu, Steelport.

    Et il ne s'agit là que d'un début.

    Plus réduite que pouvait l'être Steelwater, la ville de Steelport gagne en personnalité ce qu'elle perd en surface. Ville née et grandie de l'industrie métallurgique (comme en témoigne la Statue de la Liberté locale, un ouvrier métallurgique ''avec un gros cul'', dixit votre complice de toujours Pierce), Steelport est aux mains du Syndicat, avec à sa tête Philippe Loren, un belge s'exprimant dans un anglais impeccable avec un accent qui me semble des plus français (chacun en jugera). Combiné à sa froideur de financier sans éthique ni scrupule, on obtient un méchant comme on les aime.

    Néanmoins, les Saints de Third Street ne sont plus ce qu'ils étaient. Galvanisés par leur écrasante victoire sur Ultor dans l'épisode 2, ils ne sont plus un simple gang des rues, mais un conglomérat financier au moins aussi important que l'est le Syndicat. De leur propre aveu, les Saints s'encroûtent et prêtent leur image à tout et n'importe quoi rapportant un tant soit peu d'argent, ce qui attise la cupidité de Loren qui tente une OPA agressive sur le groupe Saints-Ultor, croyant l'opération facile. C'est sur cette opposition que s'ouvre Saints Row, the Third. Et c'est là un détail frappant. Contrairement à l'habitude, il n'est pas question ici de reconstruction du gang et de reconquête d'un territoire, mais d'une vendetta pure et simple. Et si la violence est de mise, le camp du joueur n'est aucunement l'agresseur.

    Le scénario par son seul déroulement cautionne à la fois le level-design et les missions annexes qui jalonnent la ville de Steelport. En effet, après avoir refermé vos doigts sur vos premières armes, le nombre de missions disponibles ne vous semblera pas transcendant, et il vous faudra progresser dans l'histoire pour les débloquer. Un choix étrange que le scénario justifiera, même s'il aura tendance à être des plus frustrant. Toutes les activités ne plairont pas à tous et pourtant, vous passerez obligatoirement par elles, car leurs premières instances font l'objet d'une mission scénarisée. Une paresse scénaristique qui se retrouve dans toutes les premières missions. Sous prétexte de didacticiel, elles vous expliquent en détail comment acheter une propriété ou customiser un véhicule, des activités que même le plus amorphe des joueurs est capable de découvrir par lui-même (certaines missions se clôtureront même à la fin d'une simple cinématique, comble de paresse).

    Autant le dire tout de suite, Saints Row, the Third opère un départ lent et frustrant avant d'embrayer sur un rythme haletant de surenchère et de mauvais goût totalement assumés.

    Comme l'expliquent les développeurs au cours des nombreuses entrevues qu'ils ont accordé aux journalistes de la presse spécialisée qui n'ont eu de cesse de leur poser la même question, leur production est tournée vers le fun (et toute personne ayant passé la toute première mission conviendra que c'est réussi) et qu'elle cristallise toute idée qu'ils aient pu avoir tout au long du développement et qui les ait fait rire un tant soit peu. Ils ne se cachaient pas de ce parti-pris, et pourtant une question n'a apparemment pas effleuré l'esprit des journalistes à cet énoncé. Le résultat est-il cohérent ?

    D'un point de vue strictement pragmatique, on s'attendait à ce que ça ne le soit pas et ce n'est pas plus mal (si le jeu-vidéo devait ce contenter de ce qui est réaliste et cohérent, Super Mario et Link seraient des concepts morts-nés), mais du point de vue de la progression et du scénario, nous avons affaire à une bouillie grumeleuse et insipide que seuls sauvent des dialogues fleuris à se tordre de rire (surtout la version originale, les sous-titres français, bien que forts drôles, restent un peu en retrait). Plus on avance dans le scénario, plus il semble truffé d'ellipses en tout genre, ce qui n'est pourtant pas le cas. Le récit est juste particulièrement décousu et visiblement raconté sans aucun souci de compréhension. Pourtant, il aurait mérité un tout autre traitement quand on voit l'étonnante palette de personnages que l'on côtoie au fil de l'aventure, qu'il s'agisse d'Oleg, un malabar de trois mètres partageant avec Kasparov une passion pour les échecs et ses origines, Zimos, le mac trachéotomisé s'exprimant à travers une boite vocale psychédélique ou Killbane, l'ancien catcheur lunatique gavé de stéroïdes, tous sont victimes de désordres physiques et psychologiques truculents qui les rendent absolument hilarants.

    On peut également saluer l'orientation prise par la série. Ayant depuis ses débuts des relents de gangstas, de hip-hop et de bling-bling, certes fort à propos, on sent à présent un certain éloignement de ce milieu pour quelque chose de plus neutre, voire consensuel, un chemin logique compte tenu que les Saints s'éloignent de ce milieu pour celui des affaires. Néanmoins, c'est l'étrange route inverse qu'a effectué l'un des personnages revenu en quatrième semaine, à savoir Shaundi. Les joueurs de l'épisode 2 se souvienne d'elle comme d'une hippie amatrice de beuveries étudiantes, d'alcool et autres substances illicites en tout genre, et plutôt sexuellement libérée. Un personnage parfaitement délirant, et, notons-le, totalement non-violent, devenu entre-temps une gangster sortie du ghetto, maniant les armes peut-être mieux que votre personnage, lui-même quasiment membre fondateur du gang depuis le premier épisode. La dissemblance ne s'arrête pas là. La jeune femme perd ses piercings, son maquillage outrancier et sa splendide chevelure rousse pour un visage sans relief et des cheveux d'un noir de jais, perdant pour ainsi dire toute sa personnalité. La seule chose permettant de rappeler qu'il s'agit d'une seule et même personne demeurant la rivalité permanente qu'elle entretient avec Pierce, votre autre bras-droit.

    Tout ce petit monde manque de profondeur hélas. Et ils ne sont pas les seuls.

    En surface, Saints Row, the Third est sans conteste un terrain de jeu magnifique, mais si on creuse un peu, on se rend compte que certaines richesses du second opus (lui-même amputé de certains charmes du premier) ont été escamotées. Certes, on peut arguer que les possibilités de customisations ont augmentés. À ceci, j'apporterai quelques bémols. L'offre de jantes pour vos voitures a augmenté, c'est indéniable, mais certains modèles de véhicules ne répondent plus à l'appel. De plus, certains modèles ont des possibilités de modifications très restreintes, voire impossibles (et quand on lance un jeu sur fond de guerre des gangs agrémenté d'une invasion de zombies, repeindre un tank de la couleur de son choix ne paraît pas si extravagant). Au rang des vêtements, même constat, les looks sont variés et délirants, mais les styles eux sont bien moins présents. On peut certes modifier les couleurs d'un pantalon ou d'un manteau, mais l'apposition de logos comme le permettait Saints Row 2 sur certains vêtements a disparu, et le nombre de vêtements disponibles a aussi été revu à la baisse. Difficile à justifier quand on cherche à convaincre des possibilités étendues de personnalisation.

    D'un autre côté, si, globalement, la grande famille des armes à feu a gagné en richesse avec l'arrivée d'armes exotiques telles que la frappe aérienne portative ou le sympathique pistolet RC qui vous permet de prendre le contrôle des véhicules, on peut regretter certaines disparitions, comme les armes de poings, au nombre réduit de moitié. Des indélicatesses vite pardonnées en regard des customisations disponibles pour ces armes, pour la plupart tout à fait réjouissantes. Balles incendiaires ou perforantes, lance-grenades ou chargeurs étendus, tout est là pour s'adapter à vos goûts et je doute qu'on n'y trouve pas son bonheur.

    Seule la création de personnage a réellement gagné en options. Un simple coup d’œil aux différents onglets de création vous convaincra que vous pourrez faire absolument tout ce que votre cerveau dérangé pourra vous dicter. Les fans d'Avatar de Cameron (ou des schtroumpfs suivant votre culture) pourront se former un na'vi (ou un schtroumpf, donc) très ressemblant, tout comme les fans de comics trouveront la voie pour forger un Hulk ou un Surfeur d'Argent. Quand on vous dit que tout est possible, on ne peut pas dire que ce soient des mots en l'air.

    Ne boudons pas notre plaisir, Saints Row, the Third se montre plus complet et jouissif que l'immense majorité des jeux du genre, même si son potentiel de rejouabilité est restreint. On y est certes très libre, mais les occasions d'éprouver cette liberté n'en demeurent pas moins limitées. Restent ensuite toutes les améliorations disponibles qui, moyennant finances et respect, feront de vous un véritable dieu vivant sans que vous n'ayez besoin d'entrer le moindre code de triche. Certains fustigeront le système qui peut rendre le jeu plus facile qu'il ne l'est déjà, les autres loueront le fait de pouvoir aligner les trophées sans être dérangé par les dispositifs anti-tricheurs. De ce côté-là, il ne tient qu'à vous d'acheter ou non ces options, les occasions de dépenser son argent étant légion et les revenus plutôt mieux équilibrés que dans son prédécesseur. Par exemple, acheter les meilleures améliorations d'armes est techniquement possible dès votre premier revenu quotidien, mais cela vous demandera une patience que peu de gens peuvent se targuer de sentir couler dans leurs veines avant de réunir la somme nécessaire.

    Pour conclure, on peut admettre que Volition remporte parfaitement le pari qu'il s'était fixé, à savoir produire un jeu où le fun, la pastiche et le mauvais goût sont rois. N'ayant pour buts que de faire rire et divertir son auditoire, Saints Row, the Third touche sa cible aussi sûrement qu'une rafale de gatling met en pièce une pastèque. Sans finesse, ni précision. Tout n'y est qu'un maelström d'idées foutraques alignées sans cohérence. Prises individuellement, leur pertinence ne dénote pas, mais comme des pièces mal agencées sur un échiquier, elles perdent tout leur potentiel en étant utilisées n'importe comment.

    (Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux)


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  • Time Out (In Time)

    Réalisé par Andrew Niccol

    Sortie le 23 Novembre 2011

    Avec Justin Timberlake, Amanda Seyfrid

    genre : Science Fiction

      

    Rappellez-vous l'époque à laquelle Andrew Niccol était un nom sur lequel il fallait compter dans le cinéma ! Souvenez vous de Bienvenue à Gattaca, S1mone et le merveilleux Lord of War, ou encore The Truman Show dont il a écrit le scénario ! Nous avons tous en mémoire cette finesse du propos alliée à une originalité de traitement. Il faut évoquer l'uniformisation des masses ? Niccol nous ponds un film de science-fiction. Il veut aborder le trafic d'arme ? Qu'à cela ne tienne, il en fait une comédie satirique ! Il faut se souvenir qu'Andrew Niccol était un bon réalisateur avant de voir son nouveau film et de le cataloguer dans les erreurs industrielles au même titre que Roland Emmerich, Michael Bay et David Yates. Oui, Andrew Niccol nous a offert un cadeau empoisonné. L'emballage est beau, attirant. Nous l'ouvrons sans aucunes hésitations. Mais c'est pour s'apercevoir qu'il est vide.

    Le postulat de départ était pourtant intéressant. Les humains sont génétiquement modifiés pour ne plus vieillir à partir de l'âge de 25 ans. Ils ont atteint la jeunesse éternelle. Mais cette découverte a une contrepartie. Chaque personne est alors affublée du même temps qui lui reste à vivre : un an. Il peut gagner du temps ou en perdre. Le temps devient la nouvelle unité monétaire et votre bras devient votre compte en banque. Will, « interprété » par Justin Timberlake, vit dans le ghetto où le temps vient à manquer et une bande de voleur tue impunément pour récupérer du temps de vie. C'est en rencontrant Hamilton, qui est pourvu d'un siècle, que Will va découvrir que le monde est loin d'être égalitaire et que certains s'emploient à déséquilibrer la balance pour que les plus riches vivent le plus longtemps au détriment des plus pauvres. Tel un robin des bois des temps modernes, il va tenter de rétablir un équilibre mais va vite se rendre compte que c'est plus compliqué qu'il ne paraît.

    Vouloir comprendre ce qui ne fonctionne pas dans ce film est une entreprise vaine. Il faudrait faire une liste tellement longue que ces quelques lignes ne suffiraient pas. Il est également très compliqué de savoir ce qui a amené un aussi bon réalisateur à faire un film aussi plat. Je vais donc me contenter de faire surgir quelques pistes. Tout d'abord, le scénario a du mal à décoller. Les vrais problèmes n'arrivent qu'à partir d'une heure de film, ce qui est déjà très long. De plus le développement du vrai propos du film reste à la surface des choses. Niccol veut faire une parabole sur le monde actuel où les riches sont très riches et écrasent les pauvres très pauvres. Au delà du fait que ce propos soit très classique, Niccol ne le travaille pas plus que cela, préférant mettre en scène une amourette sans saveur entre Timberlake et Amanda Seyfried qui joue la fille d'un riche propriétaire de banque. Parlons d'ailleurs du casting qui laisserait rêveur un réalisateur de films de série B. Justin Timberlake a l'étonnante capacité d'être toujours à coté de la plaque (et depuis Dwayne Johnson, on avait jamais vu ça). J'en veux pour exemple une scène où la mère de Will meure dans ses bras. Il se lance alors dans une performance de pleurs aussi crédibles que Hulk Hogan en tutu dans un ballet de l'opéra de Tokyo. Quant à Amanda Seyfried, autant elle faisait illusion dans Mamma Mia, autant dans Time Out elle a l'air de se demander à chaque plan ce qu'elle fait là. Et nous aussi !

    La réalisation hyper classique ne parvient pas à rehausser le tout et le film laisse indifférent si bien qu'on sort de la séance en commençant à oublier ce qu'on a vu durant 1h50. Ce n'est jamais vraiment bon signe et il y a tellement d'autres bons films en salle en ce moment qu'on ne peut même pas le voir par dépit. En bref, oubliez ce film et retournez voir les précédents de Niccol afin de rester sur une bonne image.


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  • The One Chosen by the godsLES IMMORTELS (2011)

    Sorti le 23 Décembre 2011

    Un film de Tarsem Singh

    Avec Henry Cavill, Mickey Rourke, etc

     

      

    Avant les Dieux du stade, il y avait les Dieux de l'Olympe. Ô combien de femmes, et parfois d'hommes, de la Grèce Antique n'ont pas fantasmé sur ses images idylliques gravées dans le marbre représentant des êtres surnaturellement bien bâtis ? Ne nous trompons pas, je ne suis pas en train d'insinuer que ces gravures étaient les films pornographiques de l'époque, au contraire. Les Dieux et les Héros représentés l'étaient pour leurs exploits merveilleux et c'est sur ce point qu'on les adulaient. Et non parce qu'ils étaient plus musclés que votre mari. Par ailleurs, la mythologie grecque faisait office d'éducatrice morale par le biais d'histoires métaphoriques. Mais les temps évoluent et nous n'avons gardé comme image de cette époque que les corps d'Apollon et les hauts faits d'arme. Il était donc normal que le cinéma s'en empare pour créer sa propre mythologie. Et les films n'ont pas manqués : de Jason et les argonautes à Troie, en passant par Le Choc des Titans et 300 . Les réalisateurs trouvent toujours une occasion de nous montrer des corps sculptés en plein effort. Le casting est souvent fait en conséquence et les plus beaux éphèbes du moment se partagent l'affiche. Qu'on le veuille ou non, l'homo-érotisme est un élément important du genre tout comme les chansons le sont à la Comédie Musicale. C'est dans cette veine que s'inscrit Les immortels, sorti en 3D ce mercredi dans les salles.

    Tarsem Singh, réalisateur des excellents The Cell et The Fall, nous conte l'histoire de Thésée (Henry Cavill), jeune paysan, dont la mère est assassinée devant ses yeux par le roi Hypérion. Celui-ci recherche un arc magique lui permettant de libérer les Titans de leur cage afin de détruire la suprématie des Dieux de l'Olympe et ainsi parvenir à l'immortalité. Mais Thésée, protégé par les Dieux et accompagné d'un oracle, compte bien empêcher ceci d'arriver et venger la mort de sa mère. Exposée comme ceci, l'histoire semble être conventionnelle et nous sommes en droit de nous attendre à un divertissement honnête mais sans grande envergure. C'est sans compter sur le talent de Singh pour briser les codes et en instaurer de nouveaux.

    Rien de ce que nous connaissons de la mythologie ne peut nous préparer à ce que nous allons voir, ni surtout en gâcher le plaisir. Le réalisateur joue avec le mythe, le modifie, le déforme, le reconstruit. Ainsi les aventures de Thésée deviennent moins prévisibles et peuvent captiver le spectateur. Les titans ne sont plus des géants mais une armée puissante et sanguinaire. L'oracle est une vierge qui subit son pouvoir non pas comme un don mais comme une malédiction. L'immortalité à laquelle aspire Hypérion est une immortalité plus palpable que celle que nous imaginons, plus réaliste. Il rêve qu'au-delà de sa mort les gens se souviennent de lui comme si il était encore en vie. Enfin, cette bête à tête de taureau qui n'est pas nommée mais qui affronte Thésée dans un sanctuaire construit en labyrinthe. Le héros retrouve d'ailleurs son chemin de retour grâce un « fil rouge » qu'il a lui-même posé en s'ouvrant une veine de la jambe pour marquer son passage avec son sang. Il n'y a pas d'Ariane mais tout les éléments sont là et habilement amenés dans l'intrigue. C'est ce jeu de piste qui apporte au film une pointe d'originalité que n'avait pas Troie. Singh a compris que la mythologie était une légende et que toute légende est faite pour être retravaillée et y apporter de nouvelles choses. Après tout, dans un autre domaine, c'est comme cela que c'est construite la légende arthurienne : chaque auteur apporte sa pierre à l'édifice ( Kaamelott  et Sacré Graal sont même reconnus comme des œuvres faisant parti de la légende arthurienne).

    Revenons-en au sujet, et parlons un peu des scènes d'action du film. Le réalisateur mise énormément sur deux choses pour donner une esthétique particulière à son film : la violence et les ralentis. Si la violence n'est pas présente au point de subir une interdiction aux moins de 12 ans, nous pouvons soulever que les détails sanguinolents sont légion. Les personnages se font trancher la gorge, couper en deux et tout ceci la plupart du temps en gros plan. Quand la suggestion est employée, le réalisateur suggère avec tellement d'insistance que le spectateur a l'impression d'avoir vu la scène en entier ( une scène d'émasculation avec une masse en est le meilleur exemple). D'autre part, Singh utilise un procédé introduit par Zack Snyder dans 300 : les ralentis dans les scènes d'action. Sensé accentuer la violence et lui donner un aspect esthétique, presque pictural, ce procédé est de plus en plus utilisé dans les films. C'est à se demander comment les réalisateurs précédents avaient pu se passer de cela ! Ironie mise à part, Singh sait l'utiliser avec parcimonie et les effets n'en sont que meilleurs même si par moments il aurait pu éviter.

    Le Casting est impeccable et met en avant un nouvel acteur plein de promesses dans le rôle de Thésée : Henry Cavill. Les plus téléphages connaissent déjà très bien l'acteur pour l'avoir vu jouer le rôle de Suffolk aux côtés de Jonathan Rhys Meyer dans la très bonne série Les Tudors. Si durant quatre saisons il avait pu optimiser son jeu et montrer qu'il n'était pas qu'une belle gueule, son entrée au cinéma se fait principalement sur l'argument physique. Entendons-nous bien, il ne fait aucuns doutes que ses qualités d'acteurs sont toutes aussi bonnes qu'auparavant mais, péplum oblige, ce sont ses muscles qui parlent le mieux. Le slogan choisi pour la publicité du film jouait sur cette ambiguïté « il est choisi par les Dieux ». Certes les Dieux de l'Olympe en font leur soldat attitré, mais les photos promotionnelles qui ont fleuries sur le net mettaient surtout en avant son torse ruisselant. Cavill devra d'ailleurs faire attention à ne pas être enfermé dans ce rôle de « beau gosse d'Hollywood » car le prochain rôle dans lequel nous le verrons sera celui du nouveau Superman. Une affaire à suivre ! Le film mise aussi sur des acteurs qui ont fait leurs preuves avec en tête de file un Mickey Rourke méchant à souhait.

     Les immortels ne souffre d'aucuns temps morts et le plaisir est à tout les niveaux. La 3D est d'ailleurs bien exploitée et les morceaux de chair volent dans l'image comme si nous étions. C'est avant tout un divertissement assumé et qui rempli sa mission. Alors que les blockbuster estivaux ont été en dessous de tout, Tarsem Singh rattrape le tout avec brio. Nous attendons avec impatience son prochain film prévu pour Mars 2012, Mirror Mirror, variation humoristique de l'histoire de Blanche Neige avec une Julia Roberts déchaînée.


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    Aujourd'hui est un jour de fête car, au delà du plaisir d'avoir accueilli un nouveau rédacteur de talent parmi nous hier, nous inaugurons ensemble une nouvelle rubrique : VO / VF = Version Originale / Version Foireuse. Depuis les années 60, la variété francophone a été le bourreau de nombre de chansons anglophones. Manque d'idées de nos auteurs ? Folie occasionnelle ? Hommages ratés ? Les raisons peuvent être nombreuses mais restent cependant incompréhensibles aux yeux des auditeurs de ces perles musicales. Il existe des versions françaises tout à fait acceptables de tubes internationaux mais nous allons nous intéresser à ceux dont leurs auteurs veulent oublier les existences. Nous allons enlever la poussière qui règne sur ces « tubes malgrés eux » et tenter de les remettre dans la lumière quelques instants.

    La première victime sera Gérard lenormand qui en 1986, pris d'on ne sait quelle folie, décide d'interpréter une adaptation française du titre « Take My Breath away » ( ce qui donnerait quelque chose comme « avoir le souffler coupé »), bande originale du film Top Gun avec Tom Cruise. L'adaptation des paroles est signée Didien Barbelivien qui est à la chanson ce que Max Pécas est au cinéma. Au delà du texte qui traduit de très loin les paroles initiales (vu d'un avion qui sait?), Barbelivien redouble d'efforts dans le non-sens comme à son habitude. Le sens de certaines paroles me semblent obscure après plusieurs écoutes. Je pourrais prendre le texte et le détailler mais il me semble qu'il est plus drôle d'écouter.


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  • Licence et littérature sont deux mots commençant par li- 

    ( Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux)

      

    Commençons par faire un point rapide.

    La série des Elder Scrolls est au jeu de rôle médiéval-fantastique ce que Le Seigneur des Anneaux est pour la littérature héroïc-fantasy. Une pierre angulaire.

    Débutée en 1994 après une gestation difficile au sein du studio Bethesda Softworks, cette série offrait déjà les prémices d'un univers riche et cohérent dès son premier épisode Arena. Ses développeurs (mais peut-on encore parler de simple développement informatique à ce stade) donnèrent vie et frontières à Tamriel, un empire cosmopolite où cohabitent diverses races et cultures, pour certaines très classiques de l'univers Fantasy (orcs et elfes en tête) et d'autres plus exotiques (Khajiits (Hommes-chats) et Argoniens (Hommes-lézards)). En 1996, sa suite, Daggerfall, pose les bases de ce que seront les futurs épisodes et offre à Tamriel une Histoire qui ne cessera de se développer. Chaque nouvelle incursion dans l'univers vidéoludique des Elder Scrolls deviendra une occasion de visiter à la fois une province de Tamriel, découvrir ses us et coutumes, ainsi que son peuple, mais également de participer à l'écriture de cette Histoire dont les anecdotes fleuriront au fil des autres épisodes. (Pour plus de précisions, je vous invite à consulter le dossier très bien construit disponible à cette adresse : http://www.jeuxvideo.com/dossiers/00012696/la-serie-the-elder-scrolls.htm)

    Sans égaler la démesure de l'œuvre de Tolkien, force est de constater qu'il s'agit de l'univers le plus touffu jamais créé pour un jeu-vidéo, et tenant largement la comparaison avec bon nombre d'univers d'heroic-fantasy.

    Une question se pose alors à la lecture de La Cité infernale : Comment peut-on cuisiner un plat aussi insipide quand on a pour base des ingrédients aussi savoureux ? Certes, même pour un cuisinier chevronné, l'erreur reste probable. Néanmoins, même le produit d'une erreur doit avoir un goût, aussi épouvantable qu'il puisse être. Dans le cas de La Cité infernale, c'eût pu être pire, indéniablement. Mais surtout, c'eût pu être tellement mieux. Tout comme un pH égal à 7, le résultat de cette tentative de transposition littéraire est neutre, sans relief et sans saveur.

    Depuis des temps immémoriaux, les produits dérivés représentent une étrangeté commerciale. Souvent décriés par la critique, rarement à tort, il s'en écoule pourtant des tombereaux à chaque sortie de blockbuster. Pendant des années, le jeu-vidéo a représenté un eldorado pour les services marketing hollywoodiens, répandant dans les rayonnages des revendeurs plus d'insultes au (futur) 9ème art (croisons les doigts) qu'un tracteur ne déverse de lisier sur un champ d'artichauts bretons. Une réputation dont le jeu-vidéo a souffert (et souffre encore d'ailleurs). Pourtant, cet état de fait ne semble pas émouvoir outre mesure les créateurs de jeu tant ils profitent allègrement de ce système depuis que la popularité de certaines franchises a atteint des sommets (Diablo et Resident Evil par exemple). Le tout, pour des résultats, au mieux, mitigés. Il était légitime de se demander quand la série Elder Scrolls finirait par se fourvoyer. C'est désormais chose faite.

    J'avoue ne pas l'avoir vu venir. Pourtant la sortie annoncée du cinquième volet de la saga et la tendance actuelle auraient pu me faire tiquer. J'avais vaguement dans l'idée que ce jour arriverait. J'espérais juste que les choses seraient faites dans les règles.

    Inutile de préciser que voir le but à atteindre ne garantit en rien le succès de l'entreprise.

    Tout semblait pourtant commencer sous les meilleurs auspices. L'histoire, a défaut d'être réellement palpitante, se laisse doucement suivre. Pour en résumer le propos simplement, Umbriel, la Laputa du crû, semble s'attaquer aux habitants de Tamriel, répandant sur le monde des régiments de morts-vivants. La jeune Annaïg et son compère argonien Glim parviennent à embarquer à bord de la cité et y découvrent une société aux mœurs étranges. Je n'en gâcherais pas plus longtemps le suspense, car il faut bien avouer qu'il s'agit là du seul intérêt véritable de cet ouvrage. Un intérêt qu'une quatrième de couverture n'arrive pas à éveiller chez le le lecteur, le seul véritable argument convaincant est d'ailleurs imprimé dans un joli rouge tape-à-l'œil ''D'après le célèbre jeu The Elder Scrolls''. Le ton est donné, nous avons affaire a un produit calibré pour les fans (quoique...), sans aucune volonté d'ouverture vers un autre lectorat. Quant à l'avant-propos ''Quarante-cinq ans après les événements d'Oblivion'', n'y voyez pas l'assurance d'un moindre pont entre l'ouvrage et le quatrième épisode de la pentalogie, si ce ne sont quelques anecdotes rabâchées au long de l'ouvrage. Je confesse avoir souri à la première évocation de Martin Septim, me rappelant mes heures de cavalcade à travers les terres de Cyrodiil (la région arpentée dans Oblivion). L'anecdote devient étonnamment moins nostalgique quand elle est répétée deux ou trois fois au cours de l'ouvrage sans que cela ne semble avoir aucun intérêt, si ce n'est celui de noircir des pages.

    Ajouté à cela la mollesse du texte et la platitude du style, on obtient un produit atteignant très péniblement le niveau moyen des fans-fics qui fleurissent sur les forums (merci cependant aux services de relecture et aux correcteurs, La Cité infernale est lui exempt de fautes d'orthographe). Les fans-fics ont au moins le mérite d'être écrites par des esprits relativement respectueux de l'univers dont ils s'inspirent. Pour Gregory Keyes ce livre semble tenir bien plus du roman alimentaire que de la véritable inspiration. Sans doute a-t-il parcouru The Imperial Library (le site internet de référence quant à l'univers Elder Scrolls), et admis la richesse du matériau mis à sa disposition comme il le dit si bien, mais à aucun moment cela ne transparaît à travers son texte, étrangement pauvre en regard de ce que sont capables de produire les développeurs de Bethesda Softworks (qui eux n'ont pas encore atteint le statut d'artiste). Plus étonnant, mais révélant une certaine nonchalance dans l'écriture (pour ceux qui ne l'auraient pas décelée avant la page 10), l'auteur se prend les pieds dans ses propres mots, prêtant un pronom féminin à un personnage masculin, une erreur dont on puisse douter qu'elle vienne du traducteur, les genres étant bien assez définis dans la langue de Shakespeare. Détail, diront certains. Tout l'Art est dans le détail, répondront d'autres (moi compris). L'inattention peut arriver et l'erreur est humaine, elles peuvent cependant être révélatrices de carences plus profondes. Inutile d'attendre d'avoir les dents qui se déchaussent pour faire une cure de vitamine C. Dans le cas de La Cité infernale, on ne peut que noter la pauvreté des descriptions, nous assaillant dès l'ouverture d'une enfilade de mots plats tentant vainement d'éveiller quelque image chez le lecteur, alors qu'il est évident que l'auteur lui-même n'a qu'une idée très vague du lieu qu'il évoque. La plupart du temps, les contours demeurent flous et mal définis, avec cette nette impression que mes yeux n'étaient pas seuls à souffrir d'une myopie handicapante. Quant aux personnages, on ne peut que dénoter encore une fois la paresse dont on a fait preuve dans leur conception. Au mieux caricaturaux pour quelques personnages principaux, les autres n'affichent guère plus de charisme et d'intérêt que des silhouettes découpées dans du carton. Ils parviennent difficilement à meubler, et encore plus à remplir, un livre déjà étonnamment vain.

    À qui pourrait donc s'adresser cet ouvrage ? Clairement jeté au visage de ceux qui apprécient un tant soit peu l'univers Elder Scrolls, il est dommageable de remarquer que le bâclage de ce livre restreint son public à un cénacle encore plus réduit, le reléguant au rang de curiosité tels les épisodes Dawnstar ou Stormhold édités sur téléphones portables. Sans réelle utilité dans cet univers autre que celle de faire passer le temps de fans vraiment hardcore, se rongeant les ongles jusqu'aux métacarpes, l'écume aux lèvres, en guettant la moindre nouvelle concernant leur univers adulé. Pour les autres, fans de cet univers singulier déjà maintes fois arpenté de long en large, ce livre n'est guère plus qu'une poupée gonflable. Ça a vaguement la forme de ce qu'on recherche, mais ça n'a rien de réellement désirable et les sensations ne sont certainement pas au rendez-vous. Enfin, pour les lecteurs à la recherche d'un roman d'heroic-fantasy et ignorant tout des Elder Scrolls, je ne saurais trop leur conseiller de passer leur chemin. Notamment pour ne pas risquer l'ennui, mais par dessus tout pour que cet univers que j'adore ne soit pas décrié sur la foi de cette idole commerciale. Préférez plutôt vous offrir l'antique Morrowind et ses extensions pour quelques euros ou l'édition anniversaire d'Oblivion, pour les plus réfractaires aux graphismes antédiluviens, et offrez-vous une escapade en Tamriel.

    En priant pour que le prochain volet papier sache apprendre de ces erreurs, tout comme Daggerfall a su exploiter les failles d'Arena pour se propulser vers les sommets. Mais ne rêvons pas trop.

     


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